GLASS de Mr. Night Shyamalan

Comme un soufflé qui retombe, le dernier film de Mr. Night Shyamalan, qui clôture sa saga après Incassable en 2000 et Split en 2016, est une déception.

Attention, cet article contient des spoilers

GLASS, ça raconte quoi? Et bien…on ne sait pas trop à vrai dire. On retrouve rapidement les trois personnages,que nous connaissons déjà, dans le même établissement. Ils sont tous les trois enfermés dans un institut psychiatrique et une psychiatre leur annonce qu’elle a trois jours pour tenter de les « soigner ». S’ensuit alors d’innombrables flashbacks sur la vie de chacun ainsi qu’un nombre incalculable de transformations pour Kevin Crumb.

Les premières minutes du film sont assez intéressantes et on sent que le réalisateur joue sur les codes des films de supers-héros de ces dernières années. On est happé par l’ambiance, les plans inspirés des comics et par la musique. Mais après un bon quart d’heure prometteur, le film tombe véritablement dans une flopée de clichés et on finit par s’ennuyer.

On a la sensation que le film a voulu surfer sur la popularité du dernier personnage fort du réalisateur à savoir Kevin Crumb et ses 24 personnalités quitte à nous en dégoûter totalement. Le nombre de changements de personnalité dans le film est chouette au début. On découvre enfin les 24 facettes du personnage mais, à la longue, ces changements sont limite grotesques et rendent James McAvoy ridicule. On voit clairement que c’est du sensationnel mais, qui ne fonctionne pas. Ça perds de son sens, de son impact et c’est totalement inutile. La (longue, très longue) scène où le gardien/soignant/infirmier enchaîne les flash en face de Kevin pour provoquer un changement de personnalité est dénué d’intérêt et de sens. Au bout de deux flash, Kevin était l’une de ses personnalités inoffensives (Patricia ou Hedwig). Pourquoi insister et en faire une scène gadget? Et ce n’est que la première des longues scènes montrant Kevin sous toutes ces formes. L’’intérêt du personnage perd immédiatement en crédibilité.

En ce qui concerne la réalisation, elle est très aléatoire : les gros plans sur les visages constamment, les plans un peu différents, mais qui font tache ou qui débarque de nulle part ou encore ce montage qui fait mal au crane. La musique angoissante présente également dans SPLIT pour avertir de l’arrivée du danger, de la violence chez Kevin et donc de la transformation en « bête » est utilisée de manière forcée et constante. Le rythme est également très inégal, et tous les axes dramatiques se retrouvent larmoyants et forcés. Incassables et Split ont été des succès incroyables. Les films étaient intéressants, bien faits, avec un scénario ficelé, des tensions, une histoire intéressante et des acteurs incroyables. Une suite (ainsi qu’une rencontre entre les personnages) était une idée alléchante qui, selon le réalisateur, était prévue depuis le début. Mais alors, si GLASS était prévu depuis presque 20 ans, comment est-ce possible de l’avoir autant raté? Est-ce le fait de l’avoir laissé de coté trop longtemps, ou de l’avoir réécrit trop de fois? Peut être même que c’est au contraire, le fait de ne pas l’avoir retouché depuis vingt ans. Incassable, était important à l’époque et n’avais encore aucune concurrence réelle dans ce genre. SPLIT quant à lui, 17 ans plus tard, était vraiment bon, plus qualitatif en terme de réalisation et Shyamalan avait dans ses filets un personnage exceptionnel qu’il pouvait exploiter à l’infini. Mais dans GLASS, tout le potentiel des personnages est gâché, la fin est tellement longue qu’on décroche dès les premières minutes et surtout elle n’a aucuns sens. Ce qui avait été impressionnant dans Split ou novateur dans Incassable, n’est plus intéressant ici. On apprend rien de plus qui soit pertinent (le fait que le père de Crumb soit mort dans l’accident de train, est-ce réellement un élément incroyable?) : GLASS donne l’impression d’une synthèse des deux premiers films et ce n’est pas très intéressant. Le réalisateur à raté son final et c’est l’une des plus grosses déceptions que j’ai eu depuis bien longtemps.

L’axe sur les comics aurait pu être intéressant, mais on y adhère pas. Il nous ramène à celui qu’avait Elijah dans Incassable mais la cohérence est ici complètement mise de coté. On continue à se complaire dans des clichés (entre les révélations sur l’accident de train dans Incassable, la mort larmoyante de certains personnages, la victime avec un syndrome de Stockholm qui revient aider son agresseur, les scènes de bagarres totalement surréalistes, les gros plans sur certains détails au cas où nous les aurions loupés ou le moment où Sarah Paulson comprend que Elijah avait un autre plan) et surtout, on légitime l’existence de cette pseudo société secrète qui débarque de nulle part et qui a décidé d’éliminer les supers-héros. Bruce Willis est absent, totalement déconnecté de son personnage et il en devient presque oubliable. James McAvoy est incroyable, mais fait de son personnage une caricature loin de l’homme torturé intéressant que nous avions découvert dans Split. Quant à Samuel L.Jackson, il reprend son rôle à la perfection mais n’en fait pas grand chose de plus, à part se balader en fauteuil dans un hôpital dénué de sécurité et avoir un plan diabolique en tête.

Et c’est dommage, car l’idée de Shyamalan ainsi que sa réflexion sont visibles. Le questionnement sur le monde des super-héros et la place qu’on leur donne aujourd’hui est véritablement intéressant. Malheureusement, je n’accroche pas à la manière dont il met en place tout ça. La fin n’a pas vraiment de sens, et lui qui parle de son amour pour les plans qui veulent dire quelque chose et qui sont réfléchis : pourquoi en avoir autant abusé ? L’un des plans qui me vient en tête est celui sur le poignet des gens de la société secrète. Ce plan intervient trois fois de suite. C’est cliché au possible et surtout, absolument pas subtil. Est-ce une nouvelle fois, une manière de démontrer la grossièreté de certains retournements de situation dans les comics? Peut-être, mais ici, ça ne fonctionne pas. Même effet lors de la mort de Kevin Crumb : le gros plan sur son visage, la musique et la phrase romantique, tout était d’un cliché absolu et a clairement mis de la distance entre ce qu’il se passait à l’écran et moi. Le combat et l’issue finale du film deviennent ridicules et malgré ce qu’il a voulu questionner, je ne pense pas que c’est l’effet qu’il a souhaité faire transparaître,comme il l’explique dans l’extrait de l’interview qu’il a donné à Télérama pour la sortie du film :


« Je vois Glass comme une fiction qui prend part à un débat plus vaste : comment les superhéros et l’univers des comic books sont-ils devenus si importants dans notre culture ? Pourquoi les gens en parlent-ils autant, qu’est-ce qui les intéresse vraiment dans tout ça et leur donne tant de plaisir ? Que s’est-il passé dans le cinéma depuis que j’ai tourné Incassable ?


A l’époque, le fait que mon film soit lié à l’univers des superhéros n’intéressait personne. Aujourd’hui, on ne parle plus que de cela. Est-ce qu’il s’agit d’un trouble dont tout le monde est atteint ? Est-ce une illusion à laquelle chacun a envie de croire, en se projetant dans la peau d’un superhéros ? J’ai imaginé que cela pouvait littéralement devenir une maladie, qui serait traitée dans un hôpital psychiatrique »


« C’est ce que j’aime le moins dans les films de superhéros, le grand combat final. C’est le moment où je perds les personnages, leur intégrité et le monde autour. Dans Glass, j’ai voulu m’amuser mais j’ai également voulu ancrer l’histoire et les personnages dans la réalité. Tout peut s’expliquer. Mr Glass, le personnage de Samuel L. Jackson, veut que David Dunn, joué par Bruce Willis, affronte Crumb-James McAvoy pour que les gens comprennent que l’univers des comic books est fondé sur la réalité et qu’il a donc lui aussi, Mr Glass, une place dans le monde réel.
Tout a un sens dans le film, les combats aussi. Je joue avec l’idée qu’ils vont s’affronter au sommet d’un gratte-ciel, comme dans les films de superhéros, mais bien sûr, cela ne se passe pas comme ça. Glass est un petit film qui fait semblant d’être un film énorme ! E.T. de Spielberg a eu une grande influence sur moi. L’idée de faire un film très personnel basé sur une idée spectaculaire, j’aime beaucoup cela. Car le cinéma garde une dimension humaine et on a en même temps tout le bénéfice de l’idée énorme, qui agite notre imaginaire. On n’a pas besoin de faire s’écrouler toute une ville pour ressentir quelque chose de gigantesque. »

Entretien de Mr. Night Shyamalan pour Télérama, 2018

Comme le confirment les propos du réalisateur, les idées et les influences sont bien présentes. On comprend mieux certaines choses en lisant les nombreuses interventions du cinéaste. Mais à mon sens, Glass est certes audacieux, mais pas convaincant. Tout a un sens, pour lui peut etre mais, à l’ecran ce n’est pas le ressenti que j’ai eu. Il tente de nous vendre un film d’action excentrique et absurde dans lequel on a du mal à plonger. Entre son caméo totalement improbable en client lambda donnant la réplique à David Dunn et son fils, ses jolis plans travaillés mais sortis de nulle part ou son esthétique tantôt froide tantôt digne d’un Marvel : Shyamalan s’est amusé et son film lui ressemble. C’est du Shyamalan, donc on aime ou on déteste comme à chaque fois. J’ai adoré Signes, Le Village, Incassable, Split ou encore 6e sens. J’ai beaucoup moins apprécié Phénomènes ou The Visit tout en leur trouvant des qualités malgré tout. C’est un grand cinéaste, mais, qui a son propre univers et parfois, il est difficile de se plonger dans ce qu’il propose. Glass est un melting-pot des idées du cinéaste, du questionnement qui l’anime sur le monde des comics et sur l’importance qu’il a pris depuis plusieurs années. Mais à l’écran, cela ne fonctionne malheureusement pas, pour moi en tout cas. Au delà des questionnements sur le cinéma et sur notre monde, au delà du talent du cinéaste c’est le film en lui même qui ne fonctionne pas et que j’ai trouvé raté.

Certains vont adorer GLASS, le trouver ingénieux et terriblement efficace. D’autres, comme moi, comprendront le questionnement derrière sans vraiment voir où il veut en venir et du coup, n’accrocherons pas avec les propositions du réalisateur. Et enfin, je pense qu’une partie du public n’y verra pas un grand intérêt. Et c’est dommage parce que cette saga aurait pu être l’une des plus inventives de ces 20 dernières années. 

GLASS, sorti le 16 janvier.

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