CANNES 2019 – Rencontre avec Robert Rodriguez : créativité et retour aux sources

Le Festival de Cannes ce n’est pas uniquement des files d’attentes immenses pour voir un film, mendier une invitation pour le tapis rouge ou se faire recaler des séances les plus demandées. C’est aussi des évènements incroyables (et uniques) par ci par là, qui permettent au public de rencontrer des professionnels ou de découvrir un film et un univers particulier. Cette fois ci, après trois longues heures d’attente, j’ai eu la chance de participer à la masterclass organisée (par et) avec Robert Rodriguez, grand ami de Tarantino mais surtout réalisateur de El Mariachi (1993), Sin City (2003) ou plus récemment Alita : battle angel (2019). Un réalisateur qui ne fait pas partie de ceux qui me font vibrer mais plutôt de ceux qui m’interpellent notamment par leur travail technique et leur implication dans les œuvres. Personnage haut en couleurs, avec une forte personnalité, il a débarqué sur la scène de la Quinzaine des Réalisateurs avec son chapeau de cowboy et ses notes pour nous parler de son nouveau film RED 11 et de son histoire. Retour sur cette rencontre riche et passionnante.

Avant toute chose, re-contextualisons le travail de Rodriguez sur El Mariachi qui est le point de départ de sa carrière mais aussi de ce nouveau film : RED 11. Il faut savoir que pour son premier film, Robert Rodriguez n’avait pas un sous en poche. Il a donc pris le pari fou, de réaliser ce premier long métrage dans des conditions précaires : une équipe réduite, un réalisateur multi taches (scénariste, réalisateur, chef opérateur, monteur, producteur etc) et surtout, un budget minuscule de 7000 dollars.

Affiche du film El Mariachi de Robert Rodriguez (1993)

Un pari qui lui a permis d’acquérir des connaissances sur tous les métiers nécessaires à la création d’un film et surtout, qui lui a apporté la consécration puisque El Mariachi a remporté plus de 2 millions de dollars au box office et le prix du public au festival SUNDANCE ainsi qu’à DEAUVILLE en 1994. Un succès qui lui permettra de lancer sa carrière et également, de proposer une trilogie avec Desperados en 1995 et Il était une fois au Mexique en 2003 (Once Upon a time … in Mexico, titre qui n’est pas sans rappeler celui du nouveau film de son ami Quentin Tarantino, en compétition officielle à Cannes).

Ainsi, Robert Rodriguez a souhaité réitérer l’expérience, 25 ans plus tard. Avec RED 11, un film d’horreur sur fond d’autobiographie, le réalisateur montre une nouvelle fois qu’avec peu de moyens on peut parvenir a un résultat assez incroyable et aller au bout de ses idées. 14 jours, une équipe technique composée principalement d’amis et de ses fils ainsi qu’un budget de 7000 dollars.

Durant cette masterclass, il a beaucoup insisté sur le fait que : « ce qui tient un film c’est la créativité ». Pour lui il était essentiel de mettre en avant ce point là : ce n’est pas une question de moyens financiers, de contacts, de réseaux ni même de temps. Il s’agit de prendre sa créativité, de lui donner tout ce qu’on a et de faire vivre nos idées (il a d’ailleurs plaisanté en précisant qu’il ne faut jamais risquer d’avoir pour épitaphe : « j’ai pas le temps »). Il a donc commencé par nous présenter en avant-première quelques minutes du making-of du film (qui sortira sous forme de documentaire) qu’il considère comme étant un « mode d’emploi pour les jeunes cinéastes sur le mode de fabrication d’un film avec un budget aussi serré ».

« J’ai tellement appris de cette première expérience » confie Rodriguez à propos d’El Mariachi. « C’est la raison pour laquelle je suis toujours dans le milieu en tant que réalisateur. Tu apprends tellement en étant ta propre équipe. Cela a été vraiment intéressant de retenter cette aventure d’autant plus que j’ai pu la documenter ».
Source : FilmsActu

Dans les deux extraits (une dizaine de minutes chacun) il met en avant des astuces pour écrire un scénario efficace, notamment avec un système de fiches (comme des fiches de révisions pour les étudiants). Il vous suffit d’écrire les idées principales : une idée/une scène/une fiche. Ensuite vous les posez par terre, et vous visualisez votre film. Si le rythme commence à ralentir, il faut absolument un élément fort à la fiche 12 ! On le voit donc étaler les scènes de RED 11 sur le sol et réécrire ses fiches au fur et à mesure. Une séquence assez intéressante suivie de celle du casting. Rodriguez a insisté sur le fait qu’en général, et surtout lors d’un film au budget serré, il est important d’avoir le visage de ses personnages en tête très vite. Le casting lui permet donc de mettre un visage sur chaque personnage et de réécrire au besoin certaines scènes en y mettant les traits de personnalité des acteurs choisis. Un premier échange passionnant donc suivi d’un deuxième extrait qui se concentrait principalement sur le montage et les petites astuces techniques : effets spéciaux, lumières, angles de caméras etc.

Un montage extrêmement précis et indispensable pour faire un film de qualité qui ne semble pas avoir été fait avec de la récup. Effets spéciaux (un aimant sous une table qui actionne un pouvoir surnaturel ou une paille coincée derrière une oreille qui donne l’illusion d’une seringue en plein globe oculaire), cascades (saut de 30 cm qui donne ensuite l’impression d’avoir été effectué de plusieurs mètres) ou encore musique additionnelle : le montage est certainement la partie la plus importante dans la création de RED 11 et Rodriguez semble y avoir passé un temps monstrueux. Mais alors, le résultat, ça donne quoi?

RED 11 est un film passionnant. Ne serait-ce que par sa condition d’œuvre créée sous la contrainte et en famille, avec un petit budget et un casting tout neuf. Le film est réellement intéressant, surtout lorsqu’on a en tête toutes les petites astuces de mise en scène ou de bricolage dont le réalisateur et son équipe ont mis en place. L’histoire est donc celle d’un jeune cinéaste qui s’engage dans une expérience médicale pour rembourser un prêt de 7000 dollars (tiens donc) à un gang. Une histoire quasiment autobiographique puisque lorsqu’il a fallu tourner El Mariachi, Robert Rodriguez a fait de nombreux séjours en hôpital pour servir de cobaye (ou de « rat de laboratoire » comme il aime le préciser) et gagner de l’argent de cette manière là. Entre horreur, gangster, humour et complot : le film est savamment dosé et les acteurs sont tous incroyablement crédibles. On retrouve d’ailleurs son ami Carlos Gallardo qui jouait le rôle principal dans El Mariachi. Des retrouvailles qui représentent un joli clin d’œil à la carrière des deux artistes.

RED 11 est un petit film crée grâce à une grande créativité et une belle passion. Cette masterclass a été une petite bulle d’oxygène au milieu de l’effervescence de Cannes. Une séance qui a remis les pieds sur terre et redonné de l’espoir, suivi d’un film totalement improbable qui a fait mouche au milieu des grosses œuvres présentées en compétition.

Robert Rodriguez (en noir avec le chapeau) et son équipe à sa droite lors de sa masterclass au Festival de Cannes 2019

Une belle rencontre et un beau moment. RED 11 de Robert Rodriguez et de la RR production, n’a pas encore de date de sortie française mais je vous tient au courant très vite ! En attendant, je vous mets quelques liens pour écouter ou lire les propos de Rodriguez sur ce film.

Podcast France Inter – Les 15 premières minutes de la master class

Petite interview de Robert Rodriguez à Cannes 2019 (allo ciné)

Interview Robert Rodriguez « Collider » sur RED 11

Une réflexion sur “CANNES 2019 – Rencontre avec Robert Rodriguez : créativité et retour aux sources”

Laisser un commentaire